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En vrai, comment ça marche la police scientifique ?

Les Experts, NCIS, Bones, R.I.S... les séries télévisées mettant en scène d'intrépides équipes de la police scientifique américaine ou française semblent fasciner l'audience au point de créer quelques vocations (comme la série Urgences en ce temps a fait grimper les taux d'inscription en faculté de médecine). Mais dans la réalité, est-ce aussi excitant de travailler dans les laboratoires de l'INPS (Institut national de police scientifique) ou de l'IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) ? Peut-on réellement confondre un suspect armé d'un coton-tige, d'une éprouvette, un d'un aérosol qui fait apparaître les traces de sang comme par magie ?

Dans le cas d'un meurtre, d'un incendie suspect ou d'un délit de fuite lors d'un accident de voiture, les enquêteurs et les secouristes ne sont pas les seuls à intervenir sur la scène de crime. On fait également appel à des spécialistes pour collecter des indices sur le terrain (échantillons de sang ou de salive, résidus de fibres ou d'armes à feu, relevé d'empreintes digitales ou de traces de pneu etc) puis les analyser dans les laboratoires de la police scientifique. Avec un peu d'ingénuité et un équipement de haute technologie, les experts seront ainsi en mesure de donner un coup de main à la justice et de lui permettre de démasquer les dangereux criminels en fuite.
Les policiers en blouses blanches ne débarquent pas à l'improviste sur une scène de crime, ne se jettent pas intempestivement sur les indices et n'échafaudent pas de scanarii à rebondissement sur les affaires criminelles. En France, ils sont mandatés soit par la police nationale (qui gère les sept laboratoires de l'INPS soit environ 500 fonctionnaires), soit par la gendarmerie (qui dispose du laboratoire de IRCGN à Rosny sous Bois et de techniciens en identification criminelle ou TIC), soit par des juges d'instruction. Aux Etats-Unis, 6 groupes de personnes peuvent intervenir sur le terrain : les services d'urgence de la police, les enquêteurs, le substitut du procureur, le médecin légiste, les techniciens scientifiques et les spécialistes (entomologistes, balisticiens, Profileurs, experts en informatique ...).
La première étape consiste à délimiter et sécuriser la scène de crime. Il faut empêcher les curieux de détruire les indices, s'assurer qu'aucun d'élément n'a été touché ni déplacé, s'enquérir d'éventuels témoins, reconstituer le déroulement des faits et ses conséquences. S'agit-il d'un homicide? D'un accident de la route ? Peut-on trouver des bris de glace sur la route ? Combien y-t-il de victimes ? Le coupable s'est-il enfuit ? A-t-on trouver des traces de sang dans la maison ? De la drogue dans un placard ? Faut-il boucler tout le quartier ? Il faut tenir comptent de chaque détail (odeur de gaz ou de décomposition, place des objets et position des corps) et repérer rapidement les éléments qui pourraient détériorer les preuves (état de la météo, explosion, inondation...). A ce stade, les techniciens doivent se contenter d'observations factuelles. Les notes manuscrites sont complétées par des documents visuels, photographies ou vidéos, qui permettront de fixer la scène de crime. Selon Joe Clayton du Bureau d'Enquête du Colorado (CBI), les photographes réalisent trois types de plans : vues d'ensemble du lieu, séquences intermédiaires et gros-plans. Par exemple, si le meurtre à eu lieu au domicile de la victime, il faut prendre des photos de chaque pièce (y compris les angles), de l'extérieur du bâtiment, de toutes les ouvertures (portes d'entrée et fenêtres), de l'environnement direct (bâtiments voisins, rues, paysages de proximité) et des spectateurs de la scène (afin d'identifier des témoins ou des suspects). Les prises de vues sont numérotées, commentées et classées dans un registre spécial. Les photos sont complétées par des croquis qui permettent d'indiquer des mesures exactes : hauteur d'une porte, taille d'un objet, distance séparant le corps de la victime de l'arme du crime, etc. Dans certains cas, comme dans celui de victimes multiples ou de meurtres en série, les scientifiques réalisent des vidéos qui permettront d'établir une chronologie : combien de temps faut-il pour se déplacer d'un lieu à un autre, entre autres.

Une fois que les photographes ont achevé leur travail, le médecin légiste peut examiner le/ les corps, s'il y en a. Avant de le déplacer, il faut prendre note des détails apparents : est-ce qu'il y a des tâches ou des marques diverses sur les vêtements ? De quelle façon sont-il disposer ? Ont-ils été déchirés, relevés ou déplacés ? Peut-on voir des marques de coupures, d'impacts de balles ou autres traces de violence sur le corps de la victime ? Remarque-t-on une trace de bronzage qui indiquerait que la victime a été délesté de sa montre ou de son alliance ? Y-a-il beaucoup de sang ? Son écoulement défie-t-il les lois de la gravité ? S'il n'y aucune trace de son sang autour du corps, peut-on en déduire que le cadavre a été déplacé ? Le corps est-il en état de décomposition avancée ? Son état permet-il de l'identifier ? A-t-il été brûlé ou volontairement défiguré ?
Une fois, ces éléments enregistrés, on prend la température du corps et du lieu où il se trouve afin d'établir l'heure du décès. On relève les empreintes du défunt avant d'emballer ses mains et ses pieds dans du tissu, du plastique ou du papier. Le corps est ensuite conduit à la morgue où le médecin légiste procèdera à l'autopsie. Ces précautions sont destinés à préserver tous les indices avant l'arrivée à la morgue. Elles seront complétées par d'autres observations au laboratoire de médecine légale, comme l'analyses de tissus ou d'échantillons d'organes.
Une fois le corps envoyé à la morgue, on peut passer à une analyse minutieuse des lieux. Toujours selon Joe Clayton, il existe plusieurs façons de procéder : en spirale, en parallèle ou en quadrillage. Dans le premier cas, les membres de l'équipe scientifique définissent le périmètre de la scène de crime et progressent, soit à partir du corps vers l'extérieur, soit de l'extrémité de la zone vers son point central. Dans un second cas, ils forment une colonne puis se déplacent en ligne droite et à la même vitesse, un point à un autre de la scène de crime. La dernière technique consistent à diviser la zone en secteurs puis de les répartir entre les différentes équipes de fouille.
Les enquêteurs, affublés d'une tenue spéciale, doivent collecter deux types d'indices (les preuves biologiques comme les cheveux ou la sueur et les preuves physiques comme les armes ou les empreintes) et se poser beaucoup de questions. Les portes ont-elles été forcées ? La maison a-t-elle était fouillée ? Peut-on voir des empreintes de chaussures sur la moquette ou dans le jardin ? Le meurtrier a-t-il effacé ses traces? L'arme du crime, les balles ou les douilles ont-elles disparues ? Chaque indice doit être isolé, numéroté et enregistré. Pour cela, les techniciens vont utiliser différents types de matériel. Il existe notamment des kits permettant de réaliser des moulages d'empreintes ou de traces de pneu. Le sang peut être détecté grâce à l'application d'une solution de luminol qui le fait apparaître en phosphorescence dans un lieu dénoué de lumière. La lampe à source lumineuse de haute densité permet, entre autres, de mettre en évidence la présence de fibres. La hotte aspirante enfin est utilisée pour récupérer la poussière. Les pièces à conviction mises sous scellée seront ensuite soumises à des analyses spécifiques au sein des locaux de la police scientifique.

Dans une affaire criminelle, les experts de la police ont recours à plusieurs types d'analyses comme la balistique, l'entomologie ou les tests d'ADN.
Les empreintes digitales et l'ADN sont propres à chaque individu. On peut donc les comparer pour vérifier si elles appartiennent à la victime ou à une autre personne présente sur les lieux du crime. Si le suspect est déjà connu des services de police, on peut comparer ses empreintes avec celles de la base de données. En France, le FAED (ou Fichier automatisé des empreintes digitales) est placé sous la responsabilité de la direction centrale de la police judiciaire du ministère de l'Intérieur et sous le contrôle du Procureur général près de la Cour d'Appel de Paris. En 2006, plus de 2 millions d'individus y étaient fichées. Ces données sont conservées pendant 25 ans ou jusqu'au décès de la personne. En 1998, un nouveau fichier a été créé pour le compléter et gérer les traces d'ADN prélevées au cours des enquêtes de police. Il s'agit du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) qui se trouve à l'Institut national de police scientifique (INPS), basé à Écully dans le Rhône.
Il y a plusieurs façons de relever des empreintes, selon s'il s'agit d'une personne bien vivante ou d'un cadavre. S'il s'agit d'un suspect qui vient d'être arrêté, il suffit de badigeonner son doigt d'encre et de l'apposer une sur feuille. S'il s'agit du corps de sa victime, les experts découpe directement la peau ou y injecte de la paraffine chaude pour recréer le volume des sillons. Les tests d'ADN sont réalisés à partir d'échantillons trouvés sur la scène de crime (cheveux, salive, sang, etc) dont on extrait l'ADN. Il faut ensuite comparer la longueur des séquences ADN à celle des échantillons prélevés sur la victime, le suspect ou des membres de leurs familles.
Lorsqu'il s'agit d'un crime par arme à feu, des résidus de poudre peuvent être prélevé sur les mains d'un suspect grâce à un ruban adhésif ou un coton-tige. La poudre est ensuite examinée au microscope électronique. Le balisticien peut aussi tenter de déterminer le type de pistolet ou de fusil utilisé puis d'authentifier les balles. On peut également étudier leurs trajectoires et la distance de tir. Pour s'assurer que les balles retrouvées sur le lieu du crime sont compatibles avec l'arme, on observe de près les sillons et stries visibles de sa surface. Ces marques sont des sortes de négatifs de la morphologie du canon. Il n'y a pas quinze façons de vérifier la corrélation entre l'arme et les balles. Le balisticien doit effectuer une série de tirs expérimentaux puis comparer au microscope les différentes traces obtenues. En France, il dispose de deux bases de données : le fichier CIBLE (qui centralise et compare de façon informatisée les traces de tirs relevées sur les projectiles et douilles des armes à feu utilisées lors de la commission d'infractions) et le fichier TRAFFIC (qui permet d'informatiser les recherches d'armes examinées dans les affaires judiciaires et susceptibles d'être impliquées dans un trafic national ou international)
Dans le cas d'un empoissonnement ou d'une mort par overdose, la justice peut également faire appel à un toxicologue. Là encore, les experts Français disposent d'une base de données nationale : le fichier STUPS (Système de Traitement Uniformisé des Produits Stupéfiants). Grâce à des tests réalisés sur des prélèvements de sang ou d'urine, on peut déterminer si la victime a ingérer des produits toxiques et en quelle quantité. La chromatographie est une méthode qui permet d'identifier ou de doser les composés chimiques d'un mélange par analyse spectrale ultraviolette. On obtient un graphique où chaque ligne correspond à un composant de l'échantillon.
Chaque enquête est différente et plusieurs types d'experts peuvent intervenir sur une affaire. Des physiciens ou des chimistes, par exemple, pourront étudier des fragments de fibres et de verre ou analyser des traces de peintures. Le seul laboratoire de Lyon réalisent plus d'un million d'analyses par an (dont 240 000 génotypes) soit 160 000 dossiers traités en 2008.

Pour en savoir plus : La police scientifique : de la scène de crime au laboratoire

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  1. http://clg-vincent-dindy.scola.ac-paris.fr/discipline/svt/3/chapitre1/exposes/genetique.htm
  2. http://tpebalistique.wifeo.com/sources.php
  3. http://clg-germaine-tillion.scola.ac-paris.fr/discipline/svt/3/chapitre1/exposes/genetique.htm
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