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De l'information à l'énergie: le démon de Maxwell.

Pour Maxwell, un des pères fondateurs de la thermodynamique et de l'électromagnétisme (et il n'a pas à ma connaissance travaillé sur le café lyophilisé), le démon détient l'information. Le démon range les choses dans des cases. Le démon connaît et manipule....les molécules, jusqu'à créer de l'énergie, violant les lois de la physique.

Shoichi Toyabe et son équipe de l'université de Chuo au Japon, viennent de publier un travail expérimental qui mettrait en évidence le démon de Maxwell. Ce démon est apparu il y a 150 ans. Le démon de Maxwell est un être imaginaire capable de trier les molécules en fonction de leurs propriétés thermodynamiques (température).

Pour illustrer ce propos digne des meilleurs dialogues de cantine du CNRS (juste avant la franche rigolade sur les blagues de cosinus), prenons de l'eau chaude et de l'eau froide. Si on mélange l'eau chaude et froide, on obtient de l'eau tiède.

Le second principe de la thermodynamique introduit une grandeur appelée entropie. L'entropie d'un système caractérise le désordre de ce système. Si on mélange de l'eau chaude avec de l'eau froide, on obtient une système qui a accumulé l'entropie des deux milieux. L'eau tiède est plus désordonnée que l'eau chaude ou l'eau froide.

Que fait notre démon? Il sait repérer les molécules d'eau chaude et les molécules d'eau froide et il peut les trier. Quand il a fini son travail, toutes les molécules froides sont d'un coté et toutes les molécules chaudes de l'autre. Alors, en quoi est-ce un problème? La seconde loi de la thermodynamique déclare que l'entropie d'un système isolé, si elle varie, ne peut qu'augmenter. C'est-à-dire qu'ordonner un système demande de l'énergie. Or notre démon fait le tri, i.e. réordonne le système uniquement en sachant où sont les molécules chaudes et froides et n'apporte pas d'énergie au système. Il se contente d'utiliser des informations: chaud ou froid.

Une similitude plus directe consiste à imaginer qu'on puisse faire monter une balle rebondissante en haut d'un escalier sans lui apporter d'énergie. C'est cette image qu'a utilisée l'équipe japonaise. Ils ont utilisé une molécule en guise de balle et un champ électrique en guise d'escalier. Si la molécule veut se déplacer dans le champ électrique, elle devra dépenser de l'énergie (un champ électrique pour une molécule est l'équivalent d'une pente ou un fort vent, pour nous). Dans cette expérience, le démon est un champ magnétique. Ce dernier champ sert à empêcher la molécule de revenir sur ces pas: une fois dans le champ électrique, la molécule peut, soit rester sur place, soit continuer de monter.


Analogie dans un cas classique:
a) et b) montrent le mouvement d'une bille glissant dans un bol. La bille est lâchée en position 1, sans vitesse. A cette position, la bille est en hauteur par rapport au fond du bol. Cette simple différence de hauteur suffit à donner de l'énergie à la bille. On parle alors d'énergie potentielle qui est directement proportionnelle à la hauteur. On lâche la bille qui va alors gagner de la vitesse et se diriger vers le bas de du bol. On dit qu'il y a conversion d'énergie: il y a passage de l'énergie potentielle en énergie cinétique (cinétique= qui dépend de la vitesse). La hauteur est convertie en vitesse. En position 3, la vitesse est maximale donc l'énergie cinétique aussi. Cette énergie va de nouveau être convertie en énergie potentielle et permettre à la bille de monter la pente. De 3 à 5 , la vitesse (énergie cinétique) diminue et la hauteur (énergie potentielle) augmente. En 5, la vitesse est nulle et l'énergie potentielle maximale. La hauteur du point 5 correspond à celle du point 1. Ensuite, la bille redescend en faisant l'exact trajet inverse: c'est la figure b). D'un point de vue idéal, le mouvement est perpétuel, la bille oscille éternellement entre 1 et 5.
Sur la figure c), on a introduit un démon qui a pour tache de bloquer la bille dans l'état de plus haute énergie potentielle. Ce démon place un taquet juste derrière la bille pour l’empêcher de revenir en arrière. Au final, la bille partie de 1 se retrouve bloquée en 5 à la hauteur maximale qu'elle puisse atteindre. Et vous pouvez faire l'expérience chez vous, vous ne verrez jamais la bille monter plus haut que ce point si vous n'apportez pas d'énergie au système: pousser la bille au départ, secouer le bol... Pour réaliser cette expérience, on a juste besoin de savoir où se trouve la bille (information), puis de bloquer son mouvement dans une direction (ce blocage n'apporte pas d'énergie au système, le taquet est en dessous de la bille). Cette information permet alors d'obtenir l'énergie potentielle que l'on souhaite, à condition qu'elle ne soit pas supérieure à l'énergie de départ.


Les molécules ont des mouvements aléatoires provoqués par l'agitation thermique (leur température). Plus le milieu est chaud, plus les molécules sont fébriles. Ainsi pour une température fixe, la molécule possède une énergie également fixe. Dans l'expérience, à température fixe, la molécule a cependant monté l'escalier sans qu'on lui apporte de l'énergie nécessaire pour le faire. Le mouvement s'est fait « simplement » en ne laissant à la molécule qu'une seule direction de mouvement possible.

Il y a eu ici une conversion information-énergie: les chercheurs (ou les démons) savaient où se trouvait la molécule et l'ont empêchée de revenir sur ses pas (information), la molécule a continué sa progression dans le champ électrique (gain d'énergie) sans limitation par son énergie initiale. De l'information, on a donc extrait de l'énergie.



Sur cette figure, schématise l'expérience de Shoichi Toyabe: la molécule part de la position 1. Sous l'effet de l'agitation thermique la molécule se déplace dans toutes les directions. Elle possède donc une énergie cinétique (cf figure précédente). Pour une température donnée, cette quantité d'énergie est fixe. A un instant cette molécule va se retrouver à la position 2, en hauteur par rapport à 1. Il y a eu une conversion d'énergie: cinétique vers potentielle. Une fois à la position 2, on bloque le chemin de retour. Et à chaque fois que la molécule gagne en hauteur, on bloque le chemin de retour. Dans cette expérience, et contrairement à l'expérience de la figure précédente, la molécule peut toujours monter et gagner une énergie potentielle (liée à la hauteur) bien supérieure à son énergie cinétique de départ. Il y a eu création d'énergie. Cette création n'est possible que grâce au démon, c'est-à-dire au guide qui limite les directions de déplacement de la molécule.


Ici, la création d'énergie est minime mais apparemment réelle. De plus, la réalisation de cette expérience met en place de nombreux équipements qui consomment bien plus d'énergie que l'énergie produite. Ne serait-ce que vous, qui lisez cette article (félicitations) combien d'énergie avez vous dépensé: ordinateur allumé, cerveau en action...

Evidemment, cette expérience est déjà fortement critiqué: le champ magnétique n'apporte-t-il finalement pas de l'énergie à la molécule? Le système est-il réellement isolé de toute source extérieures d'énergie? Le fait même d'observer un système ne le perturbe-t-il pas?

Source: Nature Physics

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