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Les bons lecteurs ne sont pas physionomistes

Il vous est peut-être déjà arrivé, lors d'une soirée entre amis, de vous trouver dans l'embarrassante situation d'avoir oublié le visage et le nom d'une personne que vous aviez déjà rencontrée auparavant. Rassurez-vous, vous n’êtes pas encore sénile. Selon le neuropsychologue français Stanislas Dehaene, du laboratoire Inserm de Neuroimagerie Cognitive à Gif-sur-Yvette, c'est parce que vous lisez beaucoup ! Les résultats de son étude, intitulée How Learning to Read Changes the Cortical Networks for Vision and Language, sont parus dans la revue Science, le 11 novembre dernier.


Dans un ouvrage précédent (Les neurones de la lecture, ed. Odile Jacob, 2007), Stanislas Dehaene et son équipe ont échafaudé une "théorie de la lecture" qui décodaient ses mécanismes d'apprentissage et d'acquisition. Ils ont montré comment nos circuits neuronaux (conçus pour la reconnaissance des objets) doivent se recycler pour déchiffrer l'écriture. Afin de vérifier leur théorie, les chercheurs ont utilisé la technique d'IRM fonctionnelle, qui permet de mesurer l'activité des différentes zones du cerveau. L'étude a été réalisée sur 3 groupes distincts : 10 personnes ne sachant pas lire, 22 ayant appris à l'âge adulte et 31 durant leur scolarité.
Les scanners ont d'abord confirmé que des zones spécifiques du cerveau sont associées à la lecture. Comme prévu, la zone visuelle (qui permet de lier un son à un symbole écrit), s'est activée et à démontré son rôle essentiel dans l'acte de lire. Aussi, comme on pouvait s'y attendre, l'activation de cette zone était d'autant plus visible chez les sujets ayant une meilleure compréhension des textes. En revanche, tous les bénévoles ont réagi de façon similaire à l'écoute de phrases parlées et, à l'inverse, lorsque les chercheurs leur ont soumis des photos des membres du groupe, ils ont pu observés une activation plus faible de la zone cérébrale concernée chez les grands lecteurs. Ainsi, il semblerait qu'une compétition se joue dans notre cerveau, entre l'apprentissage de la lecture et la capacité d'identification.
L'équipe du laboratoire de Neuroimagerie Cognitive envisage déjà de réaliser une nouvelle étude, dont le thème serait cette fois la perception de la souffrance chez les lecteurs. Il s'agirait de déterminer si elle est proportionnelle aux compétences littéraires des sujets.

L'an dernier, Manuel Carreiras du BCBL (Centre Basque des Neurosciences) a montré que le cerveau d'une personne ayant appris à lire à l'age adulte est structurellement différent de celui d'un analphabète. Selon lui, le cerveau humain n'a pas évolué pour s'adapter à l'apprentissage de la lecture mais s'est, en quelque sorte, reconfiguré.



Source: New Scientist


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