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FucM, le gène des souris lesbiennes

La désactivation d'un seul petit gène peut-elle changer l'orientation sexuelle d'un individu ? S'il y a peu de chances pour que cela fonctionne sur les humains, il semblerait en tout cas que ça marche sur les souris. Une équipe de chercheurs de l'Institut Coréen de Science et Technologie à Daejeon a découvert qu'il suffit de supprimer le gène approprié, le bien nommé FucM (du nom de l'enzyme fucose mutarotase qu'il encode), pour voir une souris femelle adopter le comportement d'un mâle. Les résultats de l'étude ont été publiés dans BMC Genetics en juillet dernier.

FucM est un membre de la famille des enzymes chargées d'organiser les atomes en petites particules de glucides,appelées monosaccharides. En 2007, le professeur Chankyu Park et son équipe ont montré que cette réorganisation facilite l'incorporation des monosaccharides fucoses dans les protéines cellulaires. Ce processus est l'une des nombreuses modifications chimiques qui permet de réguler le fonctionnement des protéines. Néanmoins le rôle de FucM chez les mammifères reste flou. Le Dr. Park a donc créé une souris génétiquement modifiée, dépourvue de gène FucM. En dehors d'une petite perte de poids, la souris est en parfaite santé et ne semble pas différente de ses congénères... excepté dans la cage, au milieu des mâles. En règle générale, les messieurs souris approchent les dames, se frottent à elles, les reniflent et attendent une réaction positive. Si la femelle est réceptive, elle adopte une position adaptée. La souris mutante, elle, esquive les assauts des mâles. Les scientifiques suspectent donc que la suppression du gène FucM entraîne une interférence dans le comportement sexuel et reproductif du rongeur.

Un examen du cerveau de la souris montrent une diminution du taux de dopamine dans le noyau périventriculaire antéroventral (AVPv) de l'hypothalamus, l'organe du système nerveux central qui intervient dans la régulation de fonctions comportementales (sexuelles, notamment) et la libération des hormones nécessaires à l'ovulation. L' AVPv est deux à quatre fois plus gros chez les femelles normales et contient plus de cellules. Le noyau gris de la souris mutante est similaire à celui d'un mâle. L'observation confirme donc la masculinisation cérébrale induite par la délétion du gène.
Il faut noter que l'hypothalamus des rongeurs est différent de celui des primates et des humains, et que beaucoup reste à découvrir pour comprendre les mécanismes de feedback dans notre espèce (Gynécologie de Jacques Lansac,Pierre Lecomte et Henri Marret, ed. Masson, p39).
Les chercheurs coréens ont ensuite voulu savoir si la suppression du gène FucM pouvait perturber les fonctions de l'alpha-fœtoprotéine (AFP) qui régulent les œstrogènes. En plus de leurs rôles dans développement du système nerveux central, les œstrogènes interviennent dans le système reproductif. On pense également que ces hormones régulent les molécules de fucose. Les scientifiques ont analysé le taux d'AFP des souris mutantes et la composition chimique des protéines circulant dans leur système sanguin. Ils ont constaté que si les taux d'AFP sont normaux, il y a une diminution des molécules de fucose.
Des expériences complémentaires ont démontré que, si la réceptivité sexuelle des souris mutantes est considérablement réduite, elles sont néanmoins fertiles. Par ailleurs, des études antérieures ont prouvé que les circuits neuronaux, qui sous-tentent les comportements sexuels des mâles, peuvent être similaires chez des souris femelles normales (l'inverse est sans doute vrai aussi). Il est probable qu'on pourrait observer les mêmes schémas dans le cerveau embryonnaire humain.

Selon le Telegraph, le professeur Park envisagerait maintenant d'extrapoler ses recherches sur les humains, afin de déterminer si le gène FucM peut influer nos comportements sexuels. La principale difficulté est de trouver des volontaires.
La question de l'existence d'un gène Gay a déjà fait l'objet de nombreux débats ces dernières années mais, jusqu'à ce jour, aucune étude génétique n'a aboutie.

Sources: Neurophilosophy et Science Daily


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